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Stratégies pour surmonter la résistance des parasites

Strategies for overcoming resistance in parasites

Dr Tim Nickel, médecin vétérinaire des services techniques – Bovins, Boehringer Ingelheim Santé Animale Canada Inc.  

Résumé de l’article

  • Étant donné le nombre limité de produits disponibles aujourd’hui pour le traitement des parasites internes et externes, il est important de préserver leur efficacité.
  • On peut retarder la résistance grâce à des stratégies de gestion visant à réduire le nombre de parasites présents chez les animaux et dans l’environnement, afin de diminuer le besoin de traiter. Lorsqu’un traitement est nécessaire, éviter de sous-doser les animaux, car cela augmente le risque de résistance. Un traitement combiné (emploi de deux molécules différentes en même temps) peut être bénéfique, mais uniquement s’il est utilisé selon les recommandations d’un médecin vétérinaire.
  • La notion de refuge est un autre outil pouvant aider à ralentir le développement d’une résistance. Il s’agit de prendre la décision de ne traiter que certains groupes ou qu’une partie des animaux d’un troupeau (p. ex. 90 % des individus) et de laisser les autres animaux non traités pour réduire l’accumulation de parasites résistants chez les animaux et dans l’environnement.

 

Quand vient le temps d’administrer un traitement contre des parasites externes ou internes, il existe peu de produits ayant des modes d’action différents. Mettre au point un nouveau produit et le commercialiser peut prendre de nombreuses années. Par conséquent, il est très important de préserver l’efficacité des produits actuellement à notre disposition plutôt que d’espérer les remplacer par de nouveaux traitements.

Pour ce faire, il faut comprendre la notion de résistance et son rapport avec les parasites. La résistance est définie comme une réduction avérée de l’efficacité d’un médicament contre le parasite ciblé. Cette réduction de l’efficacité résulte d’une différence génétique du parasite qui lui permet de survivre au traitement; cette résistance peut être transmise aux générations suivantes. 

Chaque fois qu’on administre un traitement, on favorise la sélection des parasites résistants. Autrement dit, le traitement tue les parasites sensibles, mais ceux qui ont déjà une résistance y survivent. C’est ce qu’on appelle la pression sélective. Le fait d’utiliser souvent un médicament pour traiter une parasitose favorise la sélection des parasites résistants et l’augmentation du pourcentage de parasites résistants dans la population. Par conséquent, les traitements deviennent de moins en moins efficaces.

Certaines mesures peuvent être prises pour ralentir le développement d’une résistance à un médicament.

La mesure la plus évidente est la réduction du nombre de traitements, car c’est l’un des principaux facteurs de développement d’une résistance. Des stratégies de prise en charge telles que la réduction de la densité du pâturage, la gestion du pâturage et une bonne alimentation des animaux peuvent être appliquées pour réduire le nombre de traitements nécessaires. Lorsqu’un traitement s’impose, une stratégie possible est de cibler des individus ou des groupes plutôt que de traiter l’ensemble du troupeau.

Le sous-dosage augmente également le risque de développement d’une résistance. C’est pourquoi il est essentiel de s’assurer que chaque animal traité reçoit une dose complète. Il convient d’utiliser un poids précis pour calculer la dose et d’appliquer correctement le produit. Le moment de l’application du traitement importe également. Si l’on administre un traitement trop tôt, c’est-à-dire avant que les parasites ne soient présents et actifs, ces derniers risquent d’être exposés à des concentrations sous-thérapeutiques alors que la quantité de médicament diminue. 

Le traitement combiné est une autre option à envisager. Il consiste à administrer en même temps deux molécules ayant des modes d’action différents. On part du principe que très peu de parasites dans une population auront une résistance aux deux médicaments. Les parasites résistants à un médicament peuvent encore être éliminés par l’autre médicament. L’utilisation simultanée des deux médicaments améliore donc l’efficacité globale du traitement.

Il faut toutefois savoir que cette méthode peut retarder l’apparition de la résistance, mais qu’avec le temps, le traitement combiné peut entraîner une résistance des parasites aux deux molécules. Ainsi, il est important de discuter des options de traitement combiné avec votre médecin vétérinaire avant de les administrer aux animaux. En effet, certains médicaments peuvent être incompatibles avec d’autres et le risque de réaction indésirable peut augmenter. 

La notion de refuge est une stratégie qui peut aussi contribuer à ralentir le développement d’une résistance. L’objectif est de garder une population de parasites non exposés au médicament. 

Cette population se compose généralement de deux sous-populations : 

  1. les parasites présents dans l’environnement au moment du traitement, plutôt que dans ou sur les animaux; et 
  2. les parasites présents dans ou sur les animaux non traités. 

 

Par exemple, dans le cas des vers gastro-intestinaux, le premier groupe comprendrait les larves présentes dans le pâturage avant l’administration du traitement; ces larves ne seraient pas exposées au médicament et ne subiraient donc pas de pression sélective en faveur de la résistance. Le deuxième groupe serait représenté par les animaux n’ayant pas été traités, comme un troupeau vache-veau où les veaux et les taures de remplacement sont traités, mais pas les vaches adultes.

Cette stratégie repose sur le principe de la dilution : en ayant un groupe de vers non exposés à un médicament, la proportion relative de gènes de résistance dans la population devrait rester faible, car ce groupe n’a subi aucune pression sélective. Cette population permettra de diluer les gènes de résistance acquis par sélection chez les animaux traités. 

Différentes stratégies ont été proposées pour choisir les animaux pouvant ne pas être traités. L’exemple du troupeau vache-veau présenté ci-dessus est simple. Dans un groupe d’animaux similaires, tels que les animaux d’engraissement à l’herbe d’un an, on peut ne pas traiter une partie des animaux. Plus il y a d’animaux non traités, mieux c’est. Cependant, il faut trouver un équilibre entre la réduction de l’impact des parasites sur les résultats de production, la santé et la préservation de l’efficacité des médicaments le plus longtemps possible. On suggère donc de laisser au moins 10 % des animaux non traités. Il pourrait être nécessaire d’ajuster ce pourcentage en fonction des conditions propres à l’élevage. 

Comme toujours, discutez avec votre médecin vétérinaire afin d’élaborer un programme de prise en charge des parasites qui tient compte des conditions spécifiques de votre élevage, y compris les options envisageables pour réduire la pression sélective en faveur de la résistance.