Tim Nickel, médecin vétérinaire des services techniques – Bovins, Boehringer Ingelheim Santé Animale Canada Inc.
Résumé de l’article
- Il est plus raisonnable de penser qu’un troupeau de bovins canadiens a des vers plutôt que de s’imaginer qu’il n’en a pas. Les jeunes animaux ont tendance à avoir une charge parasitaire plus élevée que les animaux plus âgés qui ont developpé une certaine immunité contre les vers au cours de leurs saisons de pâturage précédentes.
- La numération des œufs dans les fèces est le seul test pratique disponible au Canada pour le diagnostic d’infestation de parasites internes.
- Cette méthode convient mieux pour estimer la charge parasitaire d’un groupe d’animaux plutôt que d’évaluer celle d’un seul animal. Il est recommandé de prélever des échantillons de plusieurs animaux d’un même groupe.
Les parasites sont des organismes qui vivent dans ou sur un animal, aux dépens de l’hôte. Les parasites externes sont plus faciles à détecter que les parasites internes. En effet, les mouches sont facilement visibles, tandis que les poux et les acariens, entre autres, peuvent produire des signes visibles à la surface extérieure de l’animal. Bien qu’ils soient visibles à l’œil nu, les poux sont beaucoup plus petits que les mouches. Il faut donc immobiliser l’animal et l’examiner de près avec un bon éclairage pour voir ces minuscules parasites. Quant aux acariens (parasites responsables de la gale animale), ils sont microscopiques. C’est pourquoi un raclage cutané des animaux atteints et l’examen au microscope du prélèvement sont nécessaires pour poser un diagnostic.
Si ces parasites peuvent être à l’origine de grattage et de chute de poils, ces signes peuvent aussi être causés par autre chose. De fait, les irritants présents dans l’environnement de l’animal, le temps froid et la sécheresse de la peau en hiver, la chute des poils d’hiver et les allergies comptent parmi les autres causes possibles. Il importe de prendre le temps de confirmer la présence de parasites plutôt que de faire des suppositions, surtout en ce qui concerne les poux. Si ces derniers causent un problème, on devrait pouvoir les trouver en nombre relativement élevé sur l’animal.
Les parasites internes sont plus difficiles à détecter puisqu’ils ne sont pas visibles. Les vers ou nématodes gastro-intestinaux sont très répandus dans les troupeaux de bovins canadiens. En fait, une étude récente menée dans l’Ouest du Canada1 a révélé la présence de vers dans 100 % des élevages participants.
À la lumière de ces données, il est plus raisonnable de penser qu’un troupeau de bovins canadiens a des vers plutôt que de s’imaginer qu’il n’en a pas. Les jeunes animaux ont tendance à avoir une charge parasitaire plus élevée que les animaux plus âgés qui ont développé une certaine immunité contre les vers au cours de saisons de pâturage précédentes.
La numération des œufs dans les fèces est le seul test pratique disponible pour le diagnostic d’infestation de vers chez les bovins. Les vers femelles présents dans le système digestif de l’animal pondent des œufs qui sont évacués dans les fèces. Ce sont ces œufs que l’on compte dans un échantillon de matières fécales à l’aide d’un microscope. Cette méthode semble simple. En réalité, elle est assez complexe.
Plusieurs facteurs peuvent expliquer qu’on trouve 0 œufs lors d’un test de de numération des œufs dans les fèces, même en présence de vers :
- Si les vers sont immatures, ils ne pondent pas d’œufs.
- Les œufs ne sont pas uniformément répartis dans les matières fécales, et l’échantillon peut parfois provenir d’une zone où la densité d’œufs est faible, voire nulle.
- Lorsque la charge parasitaire est faible, ce qui est généralement le cas chez les bovins au Canada, la concentration d’œufs dans un échantillon peut être trop faible pour être détectée.
Par conséquent, l’animal peut avoir des vers même si l’on obtient une numération nulle des œufs dans les fèces.
En raison de ces limites, cette méthode convient mieux pour estimer la charge parasitaire d’un groupe d’animaux plutôt que d’évaluer celle d’un seul animal. Il est recommandé de prélever des échantillons de plusieurs animaux d’un même groupe.
Autre limite de la numération des œufs dans les fèces : elle ne permet pas d’identifier les différentes espèces de vers, à quelques exceptions près, car les bovins sont généralement infestés par une population mixte de vers. Parmi les nombreuses espèces de vers qui affectent les bovins, beaucoup ont des œufs qui se ressemblent; il est donc impossible de les différencier lors d’une numération des œufs dans les fèces de routine.
Certaines espèces ayant un impact plus important que d’autres, des tests spécialisés sont nécessaires pour les distinguer. Malheureusement, ces tests ne sont pas facilement accessibles. Les renseignements utiles que l’on obtient avec la numération des œufs dans les fèces sont donc limités.
Malgré ces enjeux, la numération des œufs dans les fèces est le seul test pratique disponible au Canada pour le diagnostic d’infestation de parasites internes. Il est important d’en comprendre les limites lorsque vient le temps de choisir une option thérapeutique. Par exemple, on se demande souvent à partir de quel seuil on doit envisager un traitement pour les animaux.
Compte tenu des limites présentées ici, la numération des œufs dans les fèces est utile pour confirmer la présence de vers. Cependant, elle n’est pas assez fiable pour déterminer si un seuil donné a été atteint et si la présence des vers aura un impact sur la santé et les résultats de production des animaux.
Il est préférable de discuter avec votre médecin vétérinaire de votre situation particulière et des facteurs de risque afin d’élaborer un programme de lutte contre les parasites adapté à votre troupeau.
1. De Seram EL, Redman EM, Wills FK, de Queiroz C, Campbell JR, Waldner CL, Parker SE, Avramenko RW, Gilleard JS, Uehlinger FD. Regional heterogeneity and unexpectedly high abundance of Cooperia punctata in beef cattle at a northern latitude revealed by ITS-2 rDNA nemabiome metabarcoding. Parasites & Vectors. 2022 Dec;15(1):1-1.